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Les scénographies de la Milan Design Week 2025
Cette année encore, la Milan Design Week confirme sa puissance évocatrice, transformant lieux historiques, appartements secrets et architectures oubliées en espaces multi-sensoriels et narratifs.
À La Pelota, Hermès suspend ses précieux objets dans des boîtes blanches, laissant leur lumière colorée parler avant la matière. Dans une ancienne boutique de textiles de 5Vie, Beni et Studio KO tissent une mémoire collective en tapis et en papiers d’archives, tandis que REdDUO transforme un appartement des années 30 en écrin vivant. De leurs côtés, BOON_EDITIONS et le studio A-N-D pensent une exposition à grande échelle, dans les coffres forts d’une ancienne banque.
Entre décors immersifs, dialogues entre passé et futur, et collections complices, les installations se muent en expérience à vivre. Retour sur les scénographies les plus marquantes de la Milan Design Week 2025.
La nuit de calme de Loro Piana
Loro Piana et Dimoremilano imaginent un huis clos cinématographique spectaculaire pour leur première collaboration. Au cœur du siège historique de Loro Piana à Milan, ils orchestrent une immersion totale, entre théâtre et cinéma. Un décor à la fois nostalgique et onirique y prend forme, convoquant l’imaginaire des salles obscures d’antan, drapé de velours rouge profond, traversé de tapis léopard et ponctué de laiton patiné. À la place du grand écran, c’est une résidence rêvée minutieusement reconstituée, inspirée des intérieurs sophistiqués des années 1970-1980 qui est mise en scène comme au théâtre. Un téléphone sonne, un bain déborde, des assiettes se brisent : la maison s’anime, et prend vie dans une chorégraphie sonore conçue par Nicola Guiducci. Les pièces signées Dimoremilano côtoient mobilier ancien, œuvres d’art, et textiles exclusifs Loro Piana. Tout reflète le goût d’un personnage imaginaire exigeant et cultivé, amoureux des belles matières et du détail juste. Une atmosphère feutrée et enveloppante, où passé et présent s’entrelacent, intensément cinématographique.
Les ombres et lumières d'Atelier de Troupe
Avec « Intermezzo », Atelier de Troupe imagine une parenthèse suspendue, à la croisée du visible et de l’invisible. L’installation explore l’interaction subtile entre présence et absence, ombres et lumières dans un récit silencieux, presque cinématographique, où chaque détail semble appartenir à une scène en attente de se jouer. En collaboration avec Studioutte, Atelier de Troupe compose un espace liminal — ni tout à fait vide, ni tout à fait habité — où le design devient langage. Les lignes épurées du mobilier de Studioutte, les éclats feutrés des luminaires d’Atelier de Troupe fabriqués en Italie, et les tapis sculpturaux imaginés avec cc-tapis tissent une atmosphère enveloppante. L’espace raconte autant ce qu’il est que ce qu’il pourrait être. Tout est suggestion : une lumière, un contour, une matière, comme autant d’indices d’un récit intime à recomposer.
Le chaos maîtrisé d'Interni Venosta
Pour leur label Interni Venosta, Britt Moran et Emiliano Salci, le duo mythique derrière Dimore, signent une installation au sein de l’espace d’exposition de la maison de vente aux enchères Phillips. Baptisée « Welcome to the Blackout », cette création radicale brouille les pistes entre art, design et subversion, transformant un cadre bourgeois en un intérieur dérangeant et captivant. L’espace devient un décor meublé d’intentions farouches, à la frontière de la fiction et de l’inconscient. Le design sonore, lui aussi signé Nicola Guiducci (Plastic Club), insuffle au lieu une tension électrique. Les beats sourds, les échos de voix, les respirations synthétiques : tout participe à un sentiment de chaos maîtrisé, à mi-chemin entre rave fantomatique et performance post-moderne. À cette atmosphère déjà chargée s’ajoutent les œuvres puissantes de Lucio Fontana, Damien Hirst, Tracey Emin ou Michelangelo Pistoletto, sélectionnées par Phillips. Des présences visuelles qui ne viennent pas apaiser l’espace, mais en accentuer la dissonance. Les coupures, les confessions, les provocations : tout dialogue, tout s’affronte.
L'hommage aux rituels silencieux du soin sacrés d'Aesop
Aesop investit la splendide Chiesa del Carmine avec « The Second Skin », une installation enveloppante et énigmatique, conçue comme un hommage au corps, à la peau et aux rituels silencieux du soin. Pensée comme une architecture olfactive et méditative, l’expérience prend la forme d’un parcours sacré au cœur d’un sanctuaire intime. Les murs de la structure, faits de panneaux parfumés réutilisant le Baume Aromatique Éléos, évoquent la surface rosée de la peau, tandis qu’un son de goutte amplifié rythme la traversée, comme un battement lent. Le rituel se poursuit à travers une série d’interactions sensorielles : immersion olfactive à l’entrée, lavage des mains dans des bassins surélevés, moment de contemplation autour d’une table de 50 places signée Sebastian Cox dans la cour. Plus loin, un espace dédié au massage des bras, aménagé avec du mobilier iconique italien, invite à se retirer, à s’apaiser, à se régénérer.
Le cabinet de mémoire désorganisé de Beni Rugs
Beni et Studio KO dévoilent « Intersection », une installation immersive au cœur du quartier de 5Vie, dans une ancienne boutique de textiles des années 1930. Un lieu à l’histoire multiple — anciennement banque, mercerie, atelier — qui devient l’écrin d’un dialogue sensible entre design, mémoire et artefact. Fruit d’une collaboration entre les architectes Karl Fournier et Olivier Marty (Studio KO) et Colin King, directeur artistique de Beni, l’exposition met en scène une collection de tapis inspirée de l’esthétique industrielle et des vestiges du quotidien : journaux froissés, documents raturés, archives oubliées. Les dix modèles présentés, tissés selon cinq techniques traditionnelles marocaines, transforment ces reliques en œuvres textiles à forte charge émotionnelle. Le lieu vibre d’une ambiance feutrée : parfums de cèdre et de béton froid signés Azzi Glasser, bruit blanc et chuchotements mécaniques composent une trame sonore qui réactive les fantômes du passé.
Les coffres forts d'A-N-D et BOON_EDITIONS
La lumière comme matière par Hermès
Hermès réinvestit La Pelota avec une installation à la fois minimale et magnétique, pensée par Charlotte Macaux Perelman — architecte et directrice artistique des collections Maison avec Alexis Fabry. La scénographie dépasse le cadre du décor pour devenir un langage sensoriel. Les objets y flottent dans des boîtes suspendues, presque incolores à force d’être blanches. Au sol, des halos de couleurs vives se dessinent, comme des émotions fugitives. L’espace respire au rythme des pièces : plaids en cachemire tissés à la main, rayés façon ikat et ornés à la feuille d’or par Amer Musa ; table en verre laqué aux teintes profondes signée Tomás Alonso ; service de porcelaine d’un blanc kaolin, pur et mat, imaginé par Nigel Peake ; créations en verre soufflé à la bouche, doublées, colorées, par le Studio Hermès.
Le labyrinthe rétrofuturiste de Fosbury
Nilufar Depot métamorphose son espace milanais en un labyrinthe argenté, conçu en collaboration avec le collectif d’architectes Fosbury Architecture. L’exposition, intitulée « Silver Lining », sonde les reflets durables du métal dans le design, entre héritage et avant-garde. Ici, le langage rétrofuturiste des années 1970 fusionne avec les élans plastiques de la scène contemporaine, dans une mise en scène aux frontières du réel. À l’intérieur, tout est tension et contraste : finitions précieuses, chromes polis, textures tactiles. Les icônes du design italien y côtoient la nouvelle garde internationale. Les pièces de Walter Moretti, Gio Ponti, Gabriella Crespi, Mario Bellini, Nanda Vigo brillent aux côtés de celles d’Audrey Large, Supaform, Odd Matter, Destroyers / Builders ou encore Wendy Andreu & Bram Vanderbeke. Mais plus qu’un face-à-face, « Silver Lining » orchestre une fusion des sensibilités, un effacement progressif des repères chronologiques. Les lignes se confondent, les matières se répondent, les temps s'entremêlent.
L'appartement habité de Casa REdDUO
Entre Porta Venezia et Città Studi, au creux d’un immeuble milanais des années 1930, REdDUO réinvente l’espace de vie comme un manifeste créatif. Fondé en 2020 par Fabiola Di Virgilio et Andrea Rosso, ce projet multifonctionnel trouve un nouveau souffle à la Milan Design Week 2025, en investissant un appartement généreux devenu à la fois résidence, studio, et vitrine d’un art de vivre engagé. Dans ce lieu aux volumes habités, des pièces signée JOV, Dedar, Kerakoll, Besana Carpet Lab, Alias, Very Simple Kitchen, Iris Bottega d’Arte, Leucos, Acerbis, Zucchetti, Vimar incarnent l’innovation appliquée au geste, la rigueur dans la matière, le goût de la transmission. Chaque pièce, chaque finition, chaque texture participe d’un récit où le savoir-faire est mis en lumière dans un environnement quotidien, inspirant et tangible.
L’installation « Scarabei » par Giopato & Coombes
Au cœur du quartier 5VIE, Giopato & Coombes présente « Scarabei », une collection sculpturale et lumineuse pensée comme une exploration organique de la matière en transformation. Inspirés des règles invisibles de croissance du vivant, les luminaires de cette série évoquent des corps en expansion, des entités évolutives, entre nature et abstraction. Chaque pièce est réalisée en aluminium moulé sur sable, selon une technique ancienne de fonderie, donnant naissance à des formes concaves irrégulières, texturées, aux allures de fragments minéraux ou de carapaces de scarabée. Répétition, variation, propagation « Scarabei » développe un langage de croissance libre, où chaque module semble respirer dans l’espace. Une scénographie en mouvement, qui fait dialoguer matière, lumière et espace.