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Fairs
Les tendances de la Milan Design Week 2025
Milan est toujours une destination en soi, mais cette édition du Salone del Mobile et du Fuorisalone a poussé l’escapade un peu plus loin, dans un voyage à travers les codes du transport : compartiments de train, portes d’embarquement, plateaux-repas d’antan. À chaque fois, un rapport au temps est amorcé, alternant entre nostalgie et futurisme.
Pièces en bambou, mobilier givré et luminaires à papier washi… Si le chaos et la tension étaient palpables dans les scénographies de Dimorestudio et Studio KO, à l’inverse, le calme s’est imposé avec une élégance silencieuse chez d’autres.
Dans une veine plus opulente, le baroque et l’Art Déco — déjà pressentis en début d’année — poursuivent leur ascension. L’orfèvrerie et le verre s’y parent de détails précieux, dans un jeu de détournements raffinés. Retour sur les tendances de la Milan Design Week 2025.
In transit
Le voyage, plus précisément le transport, s’est imposé comme l’un des fils rouges de cette édition. Si Swarovski a transformé un tramway milanais en showroom itinérant à travers la ville durant toute la semaine du design, le studio italien Formafantasma a lui aussi pris le train en marche. C'est à bord du train Arlecchino, récemment restauré par la Fondazione FS Italiane et conçu à l'origine par Gio Ponti et Giulio Minoletti dans les années 1950, qu'il a imaginé la dernière édition de Prada Frames. Baptisée In Transit, l’édition 2025 a fait écho aux notions d'infrastructure et de mobilité. Range Rover, de son côté, a fait appel au studio californien NUOVA pour une installation immersive entre deux époques — 1970 et 2025 — où une porte d’embarquement et une hôtesse symbolisent le passage d’un temps à l’autre.
Plateau-repas
Dans cette exploration du transport de personnes, le plateau à compartiments devient la nouvelle lubie des acteurs de l'art de la table. À l’occasion de sa collaboration avec son homologue milanais, le Bar Nico, situé via Saldini, le restaurant parisien aux airs de PMU Le Cornichon réinterprète les plateaux repas d’avion et de train, mettant à l’honneur leur convivialité. Résultat : un plateau en acier inoxydable à l’esthétique délicieusement rétro. En parallèle, la designer portugaise Sofia=De Francesco magnifie cet objet du quotidien à travers une version plus architecturale via le T4 Tray et le C1 Coaster, mêlant acier inoxydable et noyer massif — exposés dans l’exposition ELEVATING OBJECTS par DEORON.
Scène de ménage
Un téléphone sonne, un bain déborde, des assiettes se brisent, des stores se plient et des mégots de cigarettes tombent au sol. Britt Moran et Emiliano Salci, le duo mythique derrière Dimore, signent deux installations aux décors truffés d’intentions farouches — « Welcome to the Blackout » (Interni Venosta) et « La Prima Notte di Quiete » (Loro Piana) — qui évoquent une scène de ménage ou une dispute. Même son de cloche au sein de l’installation de Studio KO pour Beni Rugs : feuilles volantes, journaux froissés, documents raturés, tiroirs fermés dans la hâte… Chaque élément participe à un sentiment de chaos.
Luminaires éthérés
Un dialogue s’installe entre trois créations où le papier Washi et la lumière composent un même langage de douceur. La lampe d’extérieur en forme de cube Shiro – « blanc » en japonais – dessinée par Antoni Arola Studio pour Santa & Cole, évoque le vide, l'honneur, la pureté et la sérénité. En détournant l’usage classique du meuble USM Haller, Livia Lauber imagine deux pièces inédites pour la marque suisse, dont USMO, un lampadaire au cadre métallique rigide rehaussé d’un abat-jour en papier Washi librement suspendu. Un contraste poétique entre structure et légèreté. Le studio Tutto Bene imagine quant à lui « Legato », une série d’appliques, de lampes de table et de lampadaires dans laquelle le Washi se déploie dans des volumes fluides et sculpturaux.
Verre baroque

Le verre révèle sa transparence avec une grâce baroque. Chez Dior Maison, le designer Sam Baron pare vases, verres, bougeoirs et plats décoratifs de pétales et tiges délicates, inspirés de l’univers floral cher à Christian Dior. À Alcova, la créatrice italienne Agustina Bottoni dévoile ses pièces en verre borosilicate strié, façonnées à la main en Italie par des maîtres verriers, distinguées par leurs pieds ronds aux accents fantasques. On retrouve ce motif strié dans l’appartement milanais de Michela Pelizzari — fondatrice de P:S press — repensé par Pierre Marie pour Gohar. Clin d’œil à ses origines, les verres Port City, ont été soufflés à la main en Égypte, pays natal de Laila Gohar.
Industriel coquet
Ferronniers et orfèvres revisitent le métal et l'argenterie dans une version coquette. La maison Pouenat, gardienne de l’artisanat ferronnier bourbonnais depuis 1880, s’associe au studio Haddou & Dufourcq pour signer une collection de mobilier aux lignes torsadées et raffinées. Dans son espace éphémère Gelateria Danese, Georg Jensen revisite quant à lui l’argent sterling en détournant les codes du café-glacier : coupes à glace en forme de cône, cuillères, pots à gelato ou encore soucoupes à expresso se parent d’une préciosité inattendue. De son côté, la designer colombienne Natalia Criado a profité du cocktail festif organisé par le label de prêt-à-porter Taller Marmo pour dévoiler The Celebration Kit, un set de cocktail composé de deux verres à margarita et d’un seau à glace, inspiré des célèbres franges de la marque : un hommage vibrant à l’élégance, en mouvement.
Bambou structurant
Le bambou signe son retour, adoptant le rôle de structure avec une beauté sensible. Michael Anastassiades présente une collection de luminaires modulaires au sein de la Fondation Jacqueline Vodoz et Bruno Danese. Présentés sur une structure autoportante en bambou traversant l’espace, ces objets lumineux inspiré des cerfs-volants jouent avec la légèreté et la géométrie. Pour l’exposition Gucci Bamboo, qui rend hommage à l’amour durable de la Maison pour ce matériau, l’artiste française Nathalie du Pasquier imagine un paravent rabattable orné de délicates impressions sur soie. Dans un registre plus intimiste, au cœur d’une « garçonnière » explorant désir, solitude et hédonisme, l’architecte et designer Giuseppe Porcelli signe sa première collection de mobilier, dont un fauteuil mêlant métal doré, bambou et coton bourette, et un miroir mural orné de racines de bambou, de cordes de soie et de pampilles.
Mobilier givré
Le verre se prête à des expérimentations surprenantes, prenant l’apparence de glaçons en pleine fonte. À la Piscina Cozzi, dans l’entrée de l’installation imaginée par 6:AM Glass, les sculptures semblent se ramollir sous l’effet d’une chaleur invisible. Au Palazzo Landriani, la glace a véritablement fondu. L’artiste japonais Tokujin Yoshioka explore ce phénomène de manière littérale avec Frozen, une installation poétique et éphémère qui sublime la beauté fugace de l’eau solidifiée en mobilier sculptural. Autre approche, plus minimaliste : la table d’appoint Vera, composée de trois segments de verre emboîtés les uns dans les autres. Réalisée à la main par Maximilian Beck en Allemagne, elle combine légèreté aérienne, virtuosité artisanale et jeu de transparence, offrant un regard fascinant sur sa structure interne – entre masse brute et précision flottante.
Singulari-thé

« Un objet du quotidien qui semble familier tout en bousculant les conventions » : c’est le manifeste de l’exposition LOEWE Teapots inspirée par le passé riche et varié de la théière. La maison espagnole a invité 25 artistes, designers et architectes de renommée pour revisiter la théière de manière familière. Chaque artiste a adopté une approche unique à travers des médiums traditionnels comme la porcelaine et le grès. Au sein de House of Switzerland, l’installation d’Homo Faber, « Today’s Masters Meet Tomorrow’s Talents », a mis en lumière la collaboration entre 23 duos composés de maîtres artisans et de jeunes créateurs. Parmi eux : Line Blom Salvesen et Ole Morten Rokvam ont proposé une théière en porcelaine à la anse XXL, conjuguant à la fois des codes classiques et très contemporains.